IMPRESSIONS

D'Addis à Bahar Dar (2)

Tout doucement le bus se remplit. Les regards ne se cachent pas : que font-ils ici, ceux-là ?

Je suis à côté d'un grand type qui s'est assis de l'autre côté de l'allée (elle est pas large, on pourrait presque se faire du coude) style chef de bande et qui joue les chefs de bus. Il prend les tickets des gens, les lit et leur dit à quelle place se mettre. Sauf que certains, il les lit à l'envers... Il fera d'ailleurs la même chose tout le long du voyage : il donnera l'heure  ... S'il lit les chiffres de la même façon sur la montre que sur les titres de transport ...

Enfin, le bus se remplit doucement. Un type s'installe derrière Maline et Julie qui somnolent. Il s'accoude sur les deux dossiers des filles et colle sa tête entre, on croirait qu'il va les bouffer ... Divine surprise pour lui, deux blanches qui vont agrémenter l'espace visuel de son voyage? Les deux filles, elles, n'apprécient pas trop. D'ailleurs, tout comme nous, sans se concerter, on met les foulards ou les capuches, c'est selon, on s'emballe comme les autres passagers et on devient moins blancs. On y gagne en discrétion et en tranquillité toute relative. Faut dire que la notion d'espace personnel n'existe pas. Le nombre de contacts physiques non désirés est impressionnant. Ça te frotte, te pousse, te cogne ... ça ne gène personne, sauf nous. Le vrai chef de bus arrive et contrôle tous les billets : confirmation, le précédent ne savait pas lire ou pas complètement. Allez, 60% de bon ! Ça remue, ça change de places, une maman arrive par le fond avec un nourrisson dans le dos et son mari derrière. Une place pour elle en bord d'allée, mais rien pour le mari. Le chef de bus fait installer la maman contre la fenêtre pour qu'elle puisse s'appuyer et son voisin, bon prince accepte. Le mari, lui sera assis dans l'allée, sur un tabouret en bois à trois pieds. Les normes de sécurité européennes sont loin. D'ailleurs, pas de ceintures, évidemment, les appuie tête des fauteuils au bord de l'allée centrale n'existent plus, et pour le reste on verra en roulant. Quand même quelques femmes : elles font un peu tache, car, à part une elles, sont musulmanes avec voile (non-intégral).

6 heures, c'est le grand démarrage. Je suis déjà crevé. Trop courte nuit, froid, bruit, je dormirais déjà. Tous les bus partent en même temps, heureusement pas dans la même direction. Le moteur tourne rond, il me semble même pêchu. Le bus est un IVECO 

 

 

d'un modèle plutôt ancien... aux suspensions raides, mais les amortisseurs tiennes, ils ne talonnent pas même dans les trous des rues d'Addis et malgré la surcharge. Je n'ai pas écrit, mais c'est une évidence, que le toit est aussi couvert de bagages que l'intérieur est rempli.

 

Je dormirais bien, je dois dormir car je ne vois pas grand chose de la sortie d'Addis. Désolé ! Quelques scènes d'une ville qui se lève, de gens qui sortent de leur maison pour aller au travail, de mecs en costume cravate avec l'ordi en bandoulière, de nana style secrétaire du MAEE à Nantes (peu), de mecs en vêtements de récup qui partent à pied et de nana du même style  (beaucoup). Des noirs clairs, des noirs foncés, des très foncés, peu d'occidentaux. L'aube est grisâtre, l'ambiance aussi, merci le réceptionniste qui nous a fait lever trop tôt.

Je somnole, on sort de la ville.

Entre deux roupillons, on se remplit les yeux d'images. Malheureusement, entasés comme nous le sommes, pas possible de sortir les appareils et de photographier. Aucun recul. l'impression générale, nous en reparlerons ensemble plusieurs fois au cours du voyage tous les quatre, c'est un paysage de hauts plateaux magnifique. Des reliefs impressionnants. Mais une nature peu présente. Partout de petites unités : dans un enclos d'arbustes, une maison longue (pas tant que ça mais c'est pour décrire) avec une porte parfois une ou deux fenêtre, aux murs en pisé sur armature de bois, toit en tôle, et une maison ronde, toit de chaume cônique qui doit serrvir de remise, je pense.

En voilà deux photos, pas de très bonne qualité, on roulait, pas de ce matin là non plus, mais bon, vous aurez une bonne idée de la chose.

 

 

 

Tout est propre, pas de machine qui traînent, pas de sacs en plastique accrochés partout comme chez nous, des petits enclos nets. entre les propriétés des champs, des villages. 

 

Dans les champs, l'outillage surprend : pour labourer des araires, telles ou presque, qu'elles sont apparues au ... IVéme millénaire avant J.C., si j'ai vérifié, en Mésopotamie et ça vous fera du bien d’apprendre quelque chose. Bon, je fais un effort, la Mésopotamie, c'est, pour simplifier l'Irak d'aujourd'hui. Pour la récolte des céréales, pas de moiss-bats, comme ils disent du côté de Montargis, à Treilles en Gâtinais là d'où vient Maline.

 

Je ne sais pas comment on dit la chose du côté d'là qu'elle vient la Julie. D'où qu'elle vient d'ailleurs ? De Bretagne ! Comment on dit moiss-bat en breton ?

 

Bon, sérieux, pas de moiss-bat, la faucille, à genoux dans le champ ou penché, cassé en deux. La faucille j'explique pas. Pour transporter ce qui a été coupé, l'âne. Ou à dos d'homme. Et pour le battage, eh bien, on bat pas. Comme dans beaucoup de pays encore où on n'a rien, on fait tourner les bêtes, ici des bovins en rond sur la récolte. Le piétinement des animaux sépare le grain de la paille. Avec des morceaux de carton pour faire du vent, on fait partir les résidus de paille, on secoue les grains au vent et il reste trois fois rien. Les tas de grain sont vraiment pas bien gros. Tant de travail et d'efforts pour ça ?

 

Vrai, quand on les voit travailler dans ces conditions, on revoit des illustrations du Lagarde et Michard Moyen Age qu'on avait au lycée. Sauf qu'il n'y a pas de neige. Mais tout pareil pour l'outillage. Et que j'ai beau chercher dans ma mémoire, j'ai pas vu de surcharges pondérales, dans les villages et les campagnes. Alors qu'en ville ...

 

On y reviendra grâce à Julie quand on fera un petit point sur la politique agricole...

 

En tout cas, le paysage semble serein. Les villages, de maisons basses, sont souvent annoncés par des files de jeunes de tous âges, pantalon et jupe noirs, haut bleu roi ici, parme là, dans un autre endroit rose violine à carreaux ... Cela sur la route gris, au milieu des champs assez secs, jaunes et de la poussière de latérite (non, cherchez!) donne une impression de joie de vivre d'insouciance. Ce sont les écoliers et collégiens qui se rendent dans leurs établissements. On en double longtemps avant les villages, on en croise longtemps après. Il va y avoir des retards! Les distances quils doivent parcourir pour aller à l'école!
Dire que chez nous, t'abites à 300 mètres de l'école, tu prends la voiture pour emmener tes gosses.

L'après midi, on en croisera dans l'autre sens, repartant chez eux, courant, rigolards et insouciants. Des gosses. Beaux.

 

Celle qui m'aura marqué le plus c'est l'avant dernier jour, à plus de 3000 mètres, pas une maison en vue, des dénivellations je vous dis mêmes pas, un froid et un vent, et elle montait à pieds, serrant sur sa poitrine ses quelques affaires. Elle ne respirait pas la joie de vivre, elle. Quoi, au bout de son chemin ? Quel abri, quelle nourriture ? Quelle chaleur ? Elle ne semblait pas pressée d'y aller ...

 

Bon, je ne vais pas vous faire pleurer, ma grand-mère en faisait autant, alors, hein ???

 

On était dans les Vosges ? Non, sur les hauts plateaux d'Ethiopie. Ça me fait penser à un prof, on s'amusait à lancer une question sans rapport avec le cours, et on partait pour une heure d'histoires personnelles. Passionnant, pas formateur, mais quel plaisir.

Hauts plateaux, villages, j'y suis. Plein d'écriteaux dans ces villages, en amharique, bien sûr. Ça veut dire quoi ??? Ça sent la propagande politique, faudra que je me renseigne!

 

Des gens, des ânes, des moutons, des chèvres la rue centrale est complètement bouchée pratiquement à chaque fois. Le bus a un avertisseur de camion de 450 tonnes au moins avec mégaphone sur le toit s'il vous plait, on se croirait sur le Queen Mary quand il a quitté Saint Naz pour sa première croisière, vous vous souvenez Cora et Carole ? En tout cas, ça déménage, le passage se fait rapidos. Faut juste faire gaffe aux ânes qui ont tendance à ne pas aller du côté qu'il faudrait. Le bus ralentit à peine. Dans tous les villages des échoppes de vente de récipients de plastique, de boissons entre autres pétillantes, logo rouge ou logo bleu au choix, et le nom se termine par Cola, de nourritures ...

 

 

Des maison devant lesquelles il y a une bascule comme Papa en avait une quand il a commencé comme commerçant, pour peser les sacs de patate et ses fils aussi.

Ces villages, ils font vivants, ils semblent heureux, calmes, trop calmes, résignés ?

Difficile de savoir quand on ne parle pas la langue. De temps en temps un homme avec une vieille Kalach. Vieille, mais entretenue. Ça doit continuer à perforer, ces vieux trucs ...Et puis de toute façon, le bus ne s'arrête pas et continue à foncer. 

 

Et puis vers midi, une pause dans un Fast Food, me dit le patron. Food, je veux bien, Maline se tape un assiette de légumes. Fast, j'attends toujours mon hamburger, une semaine après.

J'en profite pour faire quelques photos.

Et ce sera tout pour aujourd'hui.

 

 

 

 

Vous fiez pas aux apparences : dans ce village, la bâtiment dans lequel nous sommes allés faire ... nous soulager, ressemblait à s'y méprendre à un internat ou une caserne. C'est d'ailleurs le seul bâtiment à étages et bétonné...

 

A demain ?

 



24/11/2010
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