IMPRESSIONS

Djibouti ville

 

Je ne peux résister au plaisir de vous commenter quelques photos que j'aurais pu mettre dans une galerie : des photos du centre-ville. Je n'ai pas pu m'habituer à la nouvelle nomenclature des noms de rues et de places, j'en suis resté, pardonnez-moi, à celle qui est utilisée par les djiboutiens eux-mêmes. Ce sont les noms que l'on retrouve d'ailleurs sur les vieilles plaques qui datent de l'époque française. L'indépendance n'est pas si loin ...
Tout d'abord une rapide description : le centre-ville est tout petit, du moins la partie "touristique" visitable sans risque. C'est le quartier où on trouve les boutiques, les boîtes, les commerces et les restaurants. Une trentaine de rues environ. Coincées entre deux côtes, avec le port et la lagune qui disparaît sous les assauts des promoteurs à l'est et la plage, les résidences de bord de mer, les bâtiments militaires et la prison tristement célèbre de Gabode à l'ouest. La ville ne peut se développer en superficie, à moins d'empiéter sur les quartiers au sud.


Mais c'est toute la population des petites mains qui habite là, et cela n'a rien de péjoratif : j'adore partir à moto au travail le matin vers 6H30, et traverser la ville d'ouest en est en passant par la rue de Bender, rue où se trouve la majorité des boutiques pour touristes, "les caisses".
Le nom viendrait des caisses en bois de très grandes tailles (style conteneurs actuels) qui servaient à l'emballage des produits importés de France et utilisés, une fois vide comme boutique. Vous imaginez sans peine les incendies.
Ces caisses ont disparu maintenant et sont remplacées par des constructions, parfois en dur, mais qui ne semblent pas moins inflammables.
Je croise toutes sortes de gens.
Les plus pauvres, chargés du nettoyage de la rue, gamines et gamins sans abri, certainement, gagnant quelques sous à balayer devant les échoppes et à ramasser les cartons vides traînant sur le sol.
D'autres, moins jeunes, dorment encore dans un coin de mur, sur un carton, peu couverts, mais les yeux abrités de la lumière.
Des commerçants ouvrant les volets et portes de leurs "magasins", se hélant, écoutant la radio, buvant leur café dans des boîtes de métal qui ont contenu du lait concentré sucré (il est vendu au détail ..., une boîte entière, c'est souvent trop cher pour beaucoup). Ils arrosent la poussière de la rue avec de l'eau qu'ils ont dans des seaux et projettent avec des boîtes de conserve vides. Miraculeusement, ou pas, je n'ai jamais été mouillé, le geste s'est toujours accéléré ou arrêté de telle façon qu'aucune goutte ne m'a jamais touché. Je les connaissais de vue, tout au moins, et j'étais sûrement repéré par eux. Un européen sur une moto chinoise avec un casque rouge qui passe tous les matins est forcément repéré. Comme, de plus, le Centre culturel où je travaille pendant les deux dernières années est à deux pas, comme je viens parfois boire des jus de fruits pressés chez Mahad (merci Nima et Abdi, ainsi que les autres, pour votre gentillesse) qui se trouve à deux pas je suis persuadé que je suis "logé", comme dit la police.
Je croise aussi des employés de banque ou de ministères, quasi en costume, en tout cas en pantalon sombre, chaussures cirées et pantalon sombre, parfois cravatés qui se rendent au travail à pied ou qui viennent de descendre du bus sur la place Rimbaud, qui est juste en dessous.
Des femmes installent leur chaise de jardin sur les trottoirs, elles passeront leur journée là, à changer des devises.
Des lycéens et des étudiants vont au lycée d'Etat ou à l'université, foule joyeuse, animée, insouciante. C'est la plus bigarrée. Les filles sont parfois habillées à l'européenne, jean moulant, T-shirt, mais pratiquement toujours avec un foulard sur les cheveux. Elles ont souvent ce regard par en dessous, charmeur, œil de biche, mais droit dans les yeux et qui vous suit discrètement tant que votre regard reste dans le leur. Mélange d'effronterie, de provocation inconsciente, de curiosité ...
Vers la mosquée, derrière laquelle se trouve le coin à déchets du marché, des gosses mangent des oranges qu'ils ont trouvées là, parfois un bout de pastèque, ce qu'ils trouvent enfin, comme petit déjeuner.
Pas de voitures, encore, que des bus qui foncent livrer leur cargaison humaine le plus vite possible pour pouvoir refaire un tour, pas de touristes. J’ai parfois le sentiment de leur voler leur intimité, d'être un intrus, seul blanc dans ce paysage de visages de toutes les nuances jusqu’au noir ébène. Et je les aime de m'accepter sans m'exclure, sans m'observer, sans me faire remarquer que je ne suis pas comme eux.

Au nord du centre-ville, il y a tout d'abord le quartier administratif (ministère de l'éducation nationale, poste, ministère de la justice, église orthodoxe, club éthiopien, école Dolto, office nationale de l'eau et de l'assainissement d'un côté, police, cathédrale, centre de formation des personnels de l'éducation nationale de l'autre, le long du boulevard de la République. Puis on arrive au plateau du Serpent avec la gare et ses entreprises, Maril, Massida, Coubeche, le port à l'ouest et un quartier résidentiel, le Consulat de France, le quartier français, l'école de la Nativité, "l'hôpital" Peltier à l'est. En continuant vers le nord, on arrive au Rond-point de Lorraine. A droite, l’Ambassade de France, l’Agence française de développement (qui a racheté à l’état français le bâtiment dans lequel j’ai travaillé pendant deux ans, le SCAC, appelé la mission de coopération par les djiboutiens qui le connaissaient bien et du coup vont être tout désorientés !) et en face le quartier du Héron : la pointe nord de la ville, résidences, immeubles, le palace Kempiski et le quartier militaire français qui occupe l’extrême pointe. Des résidences d’ambassadeur, et l’endroit où il faut habiter, le quartier le plus prestigieux après Haramous (mais Haramous est artificiel, créé par le président), où se mêlent la bourgeoisie djiboutienne, les expatriés, les résidents d’origine étrangère installés à demeure à Djibouti et des maisons occupées par des colonies d’éthiopiens, filles de bar ou péripatéticiennes.
Au sud de la rue Bender, qui marque la fin du centre-ville, commencent les quartiers. Quelques rues peuvent encore être visitées seul pour le folklore. La place Rimbaud, son marché et ses bus, la rue des Mouches, et les rues voisines pleines de commerces sont remarquables par leur vie, les échoppes dans la rue, mais arrivé à l’avenue XIII, ne traversez pas, remontez la dans un sens ou dans l’autre. Elle vous amènera non loin du Centre culturel français Arthur Rimbaud - CCFAR (devenu Institut français Arthur Rimbaud – IFAR, la France aime bien changer indéfiniment les noms et appellations de ses établissements, ça aide à s’y perdre) ou vers l’hôpital Bouffard, c’est selon.
Je ne suis pas allé au-delà en coupant par les quartiers, du moins seul. Je l’ai fait pour accompagner une de nos femmes de ménage qui s’était ouvert la lèvre au travail afin de récupérer ses papiers et de l’argent avant d’aller au centre médical le plus proche, et j’avais un gardien de l’IFAR avec moi. Les rues sont de toute façon tellement étroites, peu ou pas entretenues, qu’il est difficile de s’y engager avec une voiture. A pieds, c’est certainement possible, mais je n’ai jamais osé. Peur ? Pas vraiment, de l’inconnu, oui. Et aussi respect de l’intimité de l’habitant, retrait de crainte de voyeurisme. C’est certainement idiot, car il m’est arrivé de me fourvoyer dans ces rues après m’être trompé de route, et les regards des gens que j’ai croisés et dérangés étaient plus étonnés voire intéressés et amicaux (tiens un français qui ose venir nous voir ? – ce n’est pas écrit sur mon nez, ne soyez pas stupides, mais sur la plaque de ma voiture). Malgré ces restrictions, vous connaîtrez plus Djibouti-ville que la majorité des militaires obéissants qui ont un plan des rues où il leur est interdit de mettre les pieds ou les roues. Certains, pour venir à la maison, seront obligés de faire de larges contournements de quartiers pour éviter ces zones interdites. Nous sommes allés chez Souad (vous savez, notre première femme de ménage) boire le café, et c’est justement dans un des quartiers. Impossible d’imaginer la vie d’un djiboutien moyen sans connaître cet aspect-là de la ville. Notre maison est encore plus au sud, à Boulaos, comme je vous l’avais écrit, dans l’ancienne cité des coopérants. C’est aussi un quartier résidentiel, nos voisins sont de la classe dirigeante ou juste en dessous. L’extrémité de la ruelle est occupé par le secrétaire général du Ministère de la justice (dont je ne vous reparlerai pas, je l’ai connu dans le cadre du travail …) un voisin derrière est du Ministère de l’éducation nationale, un des nouveaux ministres (nouveaux en 2011) habite deux rues derrière. Entre Boulaos et la rue Bender, il n’y a que « les quartiers », ou presque. Si Djibouti-centre-ville devait s’étendre ce serai en gagnant sur la mer (c’est déjà commencé, mais n’est-ce pas dangereux dans un pays à fort risque tellurique, où la couche superficielle de l’enveloppe terrestre est la moins épaisse ?), ou en gagnant sur les quartiers, quitte à envoyer les habitants souvent à la limite de la misère et sans moyens de transports grossir Balbala. Ce n’est pas très difficile, conscience mise à part, et les matériaux de construction utilisés, la contiguïté des bâtiments, la chaleur ambiante habituelle font qu’une étincelle fait partir un quartier en fumée. Mauvais esprit ? Non, je lis la presse locale et je discute avec les locaux, certes prompts à s’enflammer (excusez-moi) et à grossir les faits, voire inventer des complots. Souvent le pire est évité grâce aux pompiers français …



 




Beaucoup de nom de villes, ou de pays au centre ville
 

 


Les plaques disparaissent petit à petit 



Il y a aussi les rues de Paris, Rome, Bruxelles, de Genève, de Marseille, d'Ethiopie ...


 

 Si vous ne comprenez pas ce qu'il fait ...


Bon, je me suis encore laissé divertir de mon propos premier. Je vais devoir faire un nouvel article avec les photos du centre ville ! 

 

 



13/04/2012
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